Qui peut restaurer mon œuvre ?
Il n'est pas simple de choisir un praticien spécialisé en restauration parmi l'immensité de l'offre, choix rendu difficile par la brume diffuse qui entoure aujourd'hui cette profession, la méconnaissance de l'activité et le manque de régularisation des pratiques, par l'auto-proclamation de certains praticiens qui ne suivent pas la Déontologie réglementaire de la profession et font fi des nouvelles normes.

Le docteur Diafoirus,
gravure aquarellée d'Honoré Daumier (1808-1879)
Malheureusement, les restaurations risquées ne sont pas toujours visibles au premier coup d’œil, et le processus de dégradation peut-être accéléré de façon considérable (et invisible) suite à un traitement amateur. Marquons d'une croix rouge mie de pain, pommes de terre et eau javellisée, bannissons à tous jamais le bricolage et la poudre de perlimpinpin (dans la cuisine bien sûr, il est toujours utile d'avoir ces éléments) et ne pas rougir d'informer votre voisin qu'il fait des *mésanges, rouges-gorges et galinettes* (avec bienveillance cela va de soi).

Quand la bonne intention d'une paroissienne tourne au cauchemar : La restauration de «Ecce Homo» du peintre espagnol Elias Garcia Marquez, Saragosse, Espagne
CONSERVATEUR OU RESTAURATEUR ?
Nous allons tenter de clarifier les différentes appellations rencontrées aujourd'hui pour désigner les praticiens de la restauration.
Après avoir clarifié les différences entre la CONSERVATION et la RESTAURATION, il semble nécessaire d'éviter la confusion des termes de CONSERVATEUR et de RESTAURATEUR. L'anglais fait cette distinction sur laquelle nous allons nous appuyer pour définir les différents titres, qu'il faudrait utiliser strictement (dans un monde idéal) :
CONSERVATEUR (Anglais : CURATOR), conservateur de musée ou de bibliothèque, la formation française aborde, mais n'est pas concentrée sur les questions de la conservation préventive, curative, ou conservation-restauration (C-R).
Proche du métier d'historien de l’art, complétée de l'histoire des collections, le conservateur est en charge du référencement des collections, de leur mise en valeur et de leur recognition, de la direction et de l’organisation des expositions, des acquisitions, prêts, transfert d’œuvres, et une foultitudes d'autres activités dont nous autres conservateurs-restaurateurs ne pourrions nous passer. En cela CONSERVATEUR ≠ CONSERVATION (pas tout à fait égal pour nuancer). Il est inenvisageable de modifier le titre, qui par ailleurs ne pourrait être clarifié par l'anglais puisqu'en Français, le CURATEUR a un tout autre sens (tuteur), et le CURATEUR D'ART emprunte déjà à l'Anglais pour désigner en France le jeune métier de commissaire d'exposition en art contemporain. Peut-être qu'un jour nous parlerons de curateur d'art contemporain, curateur de mobilier, curateur des arts asiatiques, etc.... pour désigner les conservateurs?
RESTAURATEUR (Anglais : RESTORER), sans formation agréée, se rapproche plutôt de notions de réparation ou de reprise. Dans les pays anglophones, les restaurateurs, "restorers" ne sont pas reconnus, et sont même vus d'un assez mauvais œil. Le français ne fait pas encore tout à fait la distinction.
Cette démarche était historiquement réalisée par les artisans concernés par la technique de l'objet abîmé. Les matériaux à l'usage des artisans n'étant plus de même qualité, et le statut de l'objet ayant évolué dans la conscience collective (d'objet quotidien en témoignage rare d'un mode de vie passé), la Déontologie met tout en œuvre, depuis les années 80, pour mettre un terme à ces pratiques dépassées et dangereuses pour la pérennité des œuvres. Le restaurateur ou la restauration désigne tout praticien, dès lors que :
- La question de la réversibilité n’est pas considérée ;
- Des éléments d'origine sont supprimés ou remplacés (l'adresse du praticien et la beauté du remplacement n'atténue pas l'irrévocabilité du geste) ;
- Il n'y a pas de rapport écrits et de photographies avant et après traitement ;
- La pratique de traitements jugés obsolètes par la Déontologie est poursuivie.
Dans cette vidéo qui a pourtant eu un énorme succès, un restaurateur de livres coupe au massicot les pages d'un livre tachées d'encre. Que reste-t-il du livre s'il est de nouveau tâché d'encre et massicoté une seconde fois ? Et une troisième fois ?
CONSERVATEUR-RESTAURATEUR (Anglais : CONSERVATOR), a une formation reconnue par l’État (niveau I, Master, VAE, Technicien d'Art) et peut être rencontré dans une Institution d’État (Archives Nationales, Bnf, Musées nationaux, etc.).
Le conservateur-restaurateur est en constante évolution, sans cesse critique des matériaux et des méthodes employées, toujours informé des dernières mises à jour. Ses traitements sont les moins invasifs possibles, et s'accompagnent de rapports rigoureux et détaillés afin de garder contrôle de la situation et garder en tête l'intégrité d'une œuvre pour la restituer au plus près de son aspect avant sa dégradation, sans nier le passage du temps.
EN CONCLUSION
Ainsi, si vous souhaitez mettre en valeur vos œuvres et prolonger leur vie, qu’elles puissent traverser le temps sans autre dégradation que l’altération propre aux matériaux organiques, qui peut être ralentie, mais ne peut être stoppée, et qui ne doit en aucun cas être précipitée, le terme qui s’applique aux praticiens les plus à même de traiter vos collections est celui de conservateur-restaurateur.
POUR ALLER PLUS LOIN
Nouveauté majeure, la profession de conservateur-restaurateur est enfin référencée par l'INMA (Institut National des Métiers d'Arts). Il y a encore du chemin à faire avant que la profession soit distinguée du métier d'art, alors qu'il est étrange de l'y rattacher en raison de l'absence de création qui caractérise le bon exercice de la conservation-restauration, mais c'est un début. L'actualité de ce début d'avancement est disponible ici, en attendant les prochaines avancées: http://www.institut-metiersdart.org/actualites/a-savoir/une-nouvelle-fiche-metier-pour-le-domaine-de-la-restauration
ERRATUM : Les deux fiches sont disponibles en bas de ce lien.